L'hiver était là. Avec tout les problèmes qui y étaient liés. Allongé dans la tanière, Ashkara fixait l'extérieur en soufflant tandis que les autres vieux ronflaient derrière elle. Enfin, des vieux. Pour elle, ils étaient jeunes. C'était ça d'être la doyenne d'une meute. On dit qu'on est toujours le vieux et le jeune de quelqu'un. Askara était la vieille de toute le monde, c'était un fait. Mais elle n'avait croiser personne dont elle était la jeune.

Au bout de plusieurs minutes, les ronflements des autres anciens lui devinrent insupportable. Dans un grognement, suis vit d'un craquement d'os, elle se leva. Sa vieille carcasse avait besoin de bouger. D'un pas décidé, la louves grise s'éloigna de la tanière de sa meute. D'aucun aurait dit qu'il était dangereux de partir ainsi, dès l'aube, en plein hiver. Mais le ciel lui paraissait clément et puis... Au pire quoi ? Elle allait mourir ? Pff. La belle affaire. De toute façon, hiver ou pas, elle allait plus tarder à clamser maintenant, hein ?

Ses pas la menèrent... Un peu n'importe où en fait. Elle franchit même la frontière séparant les Adahys des nouveaux Nashobas sans aucune considération. La vielle se moquait bien de ses histoires de frontières. Ce dont elle se moquait un peu moins par contre, c'était le ciel qui s'était assombrit. Mmrh... De la neige commençait à tomber. Craignant une éventuelle tempête, Ashkara se mit en quête d'un abris. Elle aperçu bientôt un amas de bois empestant le bipède. En temps normal, elle s'en serait éloigné mais la neige redoublait et elle ne désirait pas prendre davantage de risque. Le tas de bois s'il ne la protégerait sans doute pas de la neige, avait l'air de pouvoir couper un peu le vent et puis l'odeur de sans poil était vielle...

La louve s’approcha de l'amas de bois et s'allongea pour se protéger du vent. Elle posa sa tête sur ses pattes avant ignorant les quelques flocons qui venaient se poser sur sa fourrure. Allez, ce n'était pas une grosse tempête, c'était déjà ça. Au pire, elle attraperai un rhume.

Si la vieille carne pensait pouvoir se reposer tranquillement sans que l'on vienne la déranger, les évènements lui donnèrent vite tort. Des pas légers se firent entendre suivit d'une voix, à la fois familière et lointaine. Ashkara redressa la tête et tourna son museau vers la louve qui venait de la rejoindre. Mmrh. Elle connaissait cette fourrure crème... Willok ? Willam ? Un truc comme ça. Bah, ça avait pas d'importance. De mémoire, la gamine était guérisseuse et avait rejoins les Nouveaux Nashobas.

La vielle louve lui rit au nez lorsqu'elle entendit sa question.

- Me chasser ? Tss. Faudrait déjà qu'ils soient capable de bouger leur gros derrières ces jeunots. L'hiver leur fait pas de mal, ça leur apprend la vie un peu !

Malgré ces mots, elle ne pouvait pas dire qu'elle appréciait l'hiver non plus. L'humidité faisait beaucoup de mal à ses vieux os... Mais bon, elle s'y faisait. Enfin... Elle s'en plaignait beaucoup mais dès que quelqu'un voulait faire quelque chose pour l'aider à aller mieux, elle le rembarrait à coup de crocs. Ashkara détourna son regard de la guérisseuse.

- Et puis de toute façon, tu veux qu'ils me chassent comment ? Leurs parents étaient encore louveteaux que j'crevais des ennemis bien plus fort qu'eux. Un coup de crocs bien placé et ils se sauvent la queue entre les pattes.

Ces jeunots n'étaient pas très courageux. Faut croire que la scission de la meute n'avait fait qu'engendrer une génération de faible. ... Même si, en toute honnêteté, la vieille carne ne faisait pas le poids face à un adversaire plus jeune. Mais que voulez-vous ? Elle semblait refuser de voir les conséquences du poids des années qu'elle accumulait.

- Pourquoi cette question, tu veux que j'me casse, c'est ça ? Sinon quoi ? Tu vas me faire bouffer tes herbes jusqu'à la mort ?

Demanda-t-elle en se tournant vers la louve crème, les babines plissées pour dévoiler ses crocs.

- Ou alors quoi ? J'te fais pitié p't'être ? Si c'est le cas, ça devrait pas. T'as déjà les chouineuse des Nouveaux Nashobas sur les pattes.

Toujours les crocs prêt à mordre, Ashkara avait dit ça d'une voix presque vexée. Elle ne craignait pas les guerriers, alors les guérisseurs ? Tss. Même pas en rêve. Et puis la gamine devait avoir suffisamment de travail sans avoir à s'occuper de la vieille râleuse de l'autre camp.

Si Ashkara appréciait les membres de sa meute ? Non. Aucun ne s'en était montré digne. Il y avait bien les trois petits louveteaux qu'elle gardait parfois, Cheyenne, Apache et Navajo, qui passaient au travers des mailles de son filets de sarcasme mais la vieille carne craignait de les voir suivre aveuglément le même chemin que les adulte actuelle. Et ce faisant, ils perdraient le peu d'affection que la louve avait pour eux. Elle soupira, préférant ne rien dire à ce sujet. Elle passa la langue sur son museau en soufflant fortement. Ashkara posa sa tête sur le sol, entre ses pattes.

- Alors t'occupes pas de moi et retourne voir tes p'tits copains.

Les oreilles d'Ashkara s'agitèrent légèrement, traduisant une certaine réflexion. En parlant de retourner voir les Nouveaux Nashobas... Cela posait une question.

- D'ailleurs, pourquoi t'es parti ? T'es pas censé resté toujours à disposition au cas où une des ses chochottes se serait entaillé le coussinet ?

Les années faisant, Ashkara avait eu le temps de voir de nombreux loups aller voir les soigneurs pour un oui ou pour un non. Alors que des fois, il fallait juste, quoi ? Rester allonger deux heures et on ressortait frais comme un gardon ! Sans parler de ses jeunots qui devait aller les voir parce qu'ils avaient agit comme des idiots. A cette pensée, la vieille carne souffla entre ces crocs. Quelle bande d'idiot.

Récolter de l'herbe, hein ? La vielle renifla. Si elle en voyait l'intérêt d'un point de vue pratique, de ces plantes servant à soigner, elle se disaitt que c'était une tâche bien ennuyeuse. Au moins y avait-il un peu d'action lors d'une chasse... Mais une fleur ne va pas se mettre à courir pour éviter qu'on l'arrache. M'enfin, aussi ennuyeux que cela semblait, c'était un travail qui devait être fait. Elle ne put d'ailleurs s'empêcher de souffler aux paroles de Willow. Plus utile aux chasseurs ? Ils verront ce qui est le plus utile lorsqu'il cracheront leur tripes à cause de maladies. Pff. En plus de ça, si ces loups étaient pas foutu de chasser sans leurs apprentis, c'est qu'ils n'étaient même pas digne du titre de chasseur.

- La bonne blague.

Se contenta de dire Ashkara, sifflant entre ses crocs. L'ancienne se tut pendant quelques secondes avant de renifler de nouveau. La neige continuait de tomber. Mpff.

- Au fait, comment vont les vieux chez les Nouveaux Nashobas ?

Quitte à être bloqué par la neige dans un lieu qui pue le bipède avec la soigneuse de la meute "adverse", autant prendre des nouvelles des vieilles branches avec lesquelles Ashkara a vécu et vieilli. Enfin, s'ils étaient encore vivant, cela va s'en dire. Pour les nouvelles qu'elle avait d'eux... Elle ne pouvait même pas en être certaine.

La vieille carne écouta avec attention la soigneuse. Les quelques noms qu'elle prononça ravivèrent chez elle de nombreux souvenir, heureux et moins heureux. Si les premiers mots de Willow réchauffèrent le cœur d'Ashkara, heureuse d'apprendre que certains de ses vieux amis se portaient bien, les suivant le glacèrent. Les choses s'assombrissaient tout d'un coup. Mochni et Shizee. Elle soupira mais tâcha de ne pas trop laissé paraitre sa mine dépité. Elle se souvenait s'être entrainé à la chasse avec eux, durant ses jeunes années. Ses frères étaient encore de ce monde, et ils n'étaient pas rares qu'ils se lancent des défis tel que ramener tel ou tel proie ou bien de ramener le plus gros animal possible, bref, tous ces idiots défis que l'on apprécie tellement lorsqu'on est jeune. La louve soupira. Il n'y avait rien à regretter. De toute façon, ses amis et sa famille qui lui manquaient tant... Elle ne tarderait pas à les retrouver.

Puis, tout naturellement, Willow lui retourna la question. Ashkara la fixa un instant. Silencieuse. Plongée dans ses pensées. Puis répondit :

- Ils sont en vie.

Commença-t-elle par dire... Avant de se faire la réflexion que la jeune louve désirait sans doute plus de renseignements. Et vu qu'elle lui en avait donné, la vieille carne n'avait pas de raison de refuser.

- Après, je vais pas te mentir, c'est pas la grande forme pour tes parents. Ton père a beau se la jouer tout heureux, ça se voit qu'il a le moral au ras des pâquerette. Quant à ta mère, elle passe son temps à gueuler sur tout le monde. On dirait moi mais en plus hystérique.

Ce qui était loin d'être un compliment.

- Quant à Tamrat, il a passé la patte... Mais faut croire qu'il a du mal à lâcher. Pour ce que j'en sais, il surveille toujours que le nouveau fasse pas de connerie.

Ashkara n'avait pas beaucoup de lien avec les soigneurs. Elle se moquait pas mal d'être soignée à présent : elle était âgée et avait vu la mort bien trop de fois pour en avoir peur. Si elle devait crever, elle crèverait. Que ce soit de maladie ou autre chose. Elle souffla. Elle espérait quand même que ce soit d'autre chose : même à son âge, une mort en combat lui paraissait glorieuse !