Je ne comprends pas... Je ne comprends pas... Pourquoi ils ne sont pas revenus pour moi? C'est comme si plus aucun d'entre eux ne savait pourquoi j'étais là, comme si le passé n'avait plus  d'importance à leurs yeux... Ils n'en ont que pour cette guerre! Cette foutue guerre!! La pire des idioties. Peu importe leurs discours, ce sont tous des hypocrites qui ne pensent qu'à se mettre sur le museau. Ces imbéciles sont incapables de mettre leurs différents de côté, ils préfèrent continuer cette foutue lutte fratricide au nom de la gloire personnelle. Et moi je me retrouve au milieu de toute cette merde...

Ragnar leva les yeux au ciel, cherchant là-haut des réponses que nul ne pourrait lui apporter de toute manière. Il était seul, et le serait encore un bon moment. Seuls quelques flocons sporadiques lui répondirent. Il est vrai que l'hiver se pointerait bientôt; son troisième hiver depuis l'incident. Mais les choses étaient différentes cette fois. Le passé venait de troubler sa "tranquillité".

J'aurais encore préféré qu'ils ne reviennent jamais. Qu'ils restent pour toujours dans l'oubli plutôt que de les voir s'entre-déchirer au nom d'une connerie ancestrale. Les humains sont les vraies coupables, on devrait tous s'unifier contre ces fils de chienne.

Revenu à proximité du territoire originel de la meute unifiée des Nashobas, le loup gris sentit son coeur se serrer autant par colère que par nostalgie. Voir même de la rancune. Toujours, il était resté à proximité malgré tout, même si les marquages olfactifs ont eu disparu depuis longtemps, certains repères existaient toujours. Mais c'était la première fois depuis l'exode qu'il osait franchir les limites, et subitement, elles en devinrent presque effrayantes. Ragnar avait l'impression de ne plus être le bienvenu sur ces terres, et de malgré le calme qui y régnait. Quelque chose de malsain traînait dans l'atmosphère, la promesse de malheurs à répétition qui s'aggraveraient au fil du chemin parcouru. Sauf qu'il était déjà trop tard pour Ragnar, déjà partiellement consumé par la folie, n'étant plus que l'ombre de ce qu'il aurait pu être si les choses avaient été différentes.

Il connaissait ce bois. Passé les premières minutes, la peur s'était dissipée au profit de la curiosité, bien sûr tout en restant attentif. Le territoire n'était plus vide désormais, et tous ses anciens camarades, connus ou inconnus, se devaient d'être traités comme des ennemis. Ils étaient devenus tous les mêmes, gentils toutous serviables suivant le chef sans avoir à y redire quant à ce conflit futile. De frustration, Ragnar cracha au sol. Tous des imbéciles. Et il était quasiment sûr qu'il en croiserait plusieurs à l'occasion de son petit tripe dans la forêt, maintenant que les frontières étaient effectivement franchies. Qu'à cela ne tienne.

Venez. Je vous attends. On va voir comment vous réagissez aux fantômes.

Des os qui craquent, une voix mécontente et éraillée... Pas de doute, Ashkara était de sortie. La vieille louve trainait sa carcasse sur la terre des Adahys, les oreilles plaquées sur son crâne... Et elle n'était pas seule. Les bruits de sa vieillesse était accompagné de rire joyeux et de rapide bruit de pattes. Trop rapides et patauds pour être ceux d'adultes. La vieille louve hérissa son poil et dans un grondement, clama d'une voix autoritaire.

- Cheyenne, Navajo, Apache ! Cela suffit !

Les bruits de pas se stoppèrent immédiatement et l'ombre de la vieille femelle se leva sur trois boules de poils terrifiées par l'image qui leur était offerte. La doyenne de la meute, une femelle qu'on leur avait présenté comme une survivante d'une autre époque, une puissante guerrière, les fixait dès à présent avec des yeux de bête enragé et les crocs parfaitement visible. Seule la petite femelle osa avaler sa salive. Les deux autres, eux, hésitaient simplement à respiré.

- Je vous conseille à tout les trois de poursuivre cette balade plus calmement. J'ai promis à vos parents qu'il vous retrouveraient vivants, pas entiers.

La vieille carne ponctua sa phrase d'un grognement avant de reprendre sa marche. La fratrie lui avait été confié pour la journée, les parents étant occupé à chasser pour le père et s'entrainer au combat pour les mère. Les deux concernés semblaient vouloir que leurs petits soient élevé à la dur vu à qui ils les avaient confié... Ou alors, ils espéraient qu'Ashkara leur parle de son expérience et que cela ferait murir ces petites créature hideuse appelés louveteaux. Pas de bol, ce n'étaient pas les intentions de la vielle. Elle n'avait accepté de garder ces morveux que parce que cette portée lui rappelait celle dans laquelle elle était né... Et au final, elle les avait emmené en balade pour qu'il se dépensent et cessent de l'importuner. Ça ne fonctionnait pas bien.

Heureusement, leur grogner dessus, ça, ça fonctionnait. Ou presque. Car bientôt, rires d'enfants et bruit de courses se firent entendre de nouveaux. Ashkara s'apprêtait à gronder de nouveaux lorsque les louveteaux pointèrent leurs trois museaux vers un point fixe.

- Là bas !

Fit Cheyenne.

- Un intrus ! A l'attaque !

Renchérit Navajo. Et ni une ni deux, les trois louveteaux se dirigèrent en grondant vers la silhouette lupine qui se dessinait au loin.

- Non ! Revenez !

Aussi vite que lui permettez son corps de vieillarde, Ashkara se précipita à la suite des louveteaux. Les trois jeunes c'étaient, fort heureusement, arrêtés à bonne distance de l’intrus, et se contentaient de lui grogner dessus ou de lui dire qu'il n'avait rien à faire ici. ... Ce qui n'était pas tout à fait faux en soit. La louve se plaça au dessus des trois jeunes, les gardant plus ou moins protégé entre ses pattes.

Les poils hérissés, les oreilles plaquées, la gueule prête à mordre... La louve était vieille. Cela se voyait, autant dans son regard dénué de la fougue de la jeunesse que sur son corps qui tremblait déjà de fatigue, avant même le combats. Mais la jeunesse avait laissé sa place à l'expérience et à une détermination infaillible. Pourtant... Son attitude agressive sembla peut à peut disparaitre lorsqu'une odeur familière lui chatouilla les narines...

- Tiens donc...

Elle se redressa lentement.

- Tu es vivant.

Si elle ne montrait plus aucun signe d'agressivité, la vieille louve restait sur la défensive. Qui sait de quoi son capable les fantômes du passé ?

Des gamins et un vieillard. C'en était presque offensant. Ragnar s'attendait au moins à un groupe restreint de guerriers prêts à lui faire mordre la poussière. Au lieu de ça, de petites boules de poil immatures à peine capables de lui tirer la peau, et une troisième âge plus bonne à grand chose si ce n'est jouer les pouponnières. Si c'était ça qu'on envoyait maintenant aux étrangers, alors le clan auquel ils appartenaient ne méritait rien d'autre sinon de disparaître.

Les louveteaux conservèrent leur distance, grand bien leur fasse. Le loup gris leur montra à son tour les crocs, bien plus imposants que les leurs, même s'il ne comptait nullement sans servir. Intimider des gamins n'avait rien de glorieux. Mais il tenait à ce que ce soit clair entre eux: ils ne se devaient pas de le considérer comme un ami. Rien que parce qu'ils s'étaient approché de lui dans un premier temps, leur donner une leçon s'était avéré tentant. Si seulement ils savaient tout le mal dont leurs parents s'étaient rendus responsables, nul doute qu'ils se jetteraient volontairement sous ses crocs pour en finir. C'était ainsi que l'esprit perverti de Ragnar, profondément centré sur lui-même et sa démence, interprétait les événements. Toutefois, il se contenta de camper sur ses positions, sans pour autant abandonner ses traits menaçants. Cette vieillarde, maintenant qu'elle était plus proche, lui était familière. Il s'agissait d'une ancienne Nashoba, il ne pouvait en être autrement.

>Alors vous êtes donc bien revenus... ça donne envie de gerber. Vous osez vous repointer ici après tout le mal que vous avez fait, lança t-il à l'attention de l'aînée.

>Ragnar. Ptete que ça t'parle l'ancêtre. Deux ans que je vous attends, que j'crève la dalle, que j'dois m'cacher de ces foutus humains. Alors que vous... Nan... Personne n'est revenu pour ceux que vous avez laissé derrière...

Des souvenirs tous plus torturés les uns que les autres se bousculèrent dans son crâne cabossé. Chaque étape de son exil, la moindre des planques qu'il dut trouver, les tressaillements à l'entente des coups de feu, les sursauts provoqués par les explosions de dynamite. Encore maintenant il avait l'impression d'en entendre les échos.

Leur témérité calmée, les louveteau restèrent bien sagement entre les pattes de la vieille carcasse qui leur servait de protectrice. Cependant, seul Apache c'était mit à fixer le sol, craintif, son frère et sa soeur, eux, fixait l'intrus d'un air mauvais. Ils semblaient ne pas trop comprendre pourquoi Ashkara prenait le temps de discuter avec lui. Et lorsqu'ils prononça ses première parole, l'ancêtre leva les yeux au ciel avec mépris. Elle était sur genre à se plaindre mais n'aimait pas que les autres le fassent. Encore moins lorsqu'ils étaient encore jeunes. Eux, que connaissaient-ils de la vie et de ses difficultés ? Ils n'étaient encore que des gosses. Ils avaient tout à découvrir, le meilleur comme le pire.

Dès que le loup gris eu finis sas tirade; Ashkara souffla fortement. Elle secoua doucement la tête, faisant craquer une ou deux vertèbres au passage.

- Je sais qui tu es, je n'avais juste pas souvenir que tu étais aussi geignard.

Encore un sale gosse dont l'éducation était à refaire.

- T'as finis de pleurer, le louveteau ? Ou t'espère que je m'apitoie sur ton sort ? Gerbe donc, qu'on en finisse, avec un peu de chance, te vider l'estomac, te videras aussi de ta connerie. Même si j'espère beaucoup je pense.

Ashkara n'avait jamais été la personne à aller voir en cas de problème. ... A moins bien sur que vous ne soyez à la recherche d'un bon coup de crocs dans le derrière. Elle ne mâchait pas ses mots, était crue et ne faisait pas beaucoup cas des états d'âme des autres. La compassion... Ce n'était pas son fort. Les enfants en tout cas étaient restés silencieux. Sans doute trop coincé sur le fait que leur ainée ne parlait pas très bien aux autres. Quel bel exemple !

- Les jours n'ont et ne sont cléments pour personne, je me plains suffisamment pour ne pas avoir à écouter les autres le faire.

Comme s'il était le seul à regretter la vie passée ou à avoir subit de lourde perte avec ces derniers évènements. Pff. Fallait arrêter de fixer son nombril de temps en temps.