Les rayons de lune perçaient doucement à travers les feuillages dissimulant l'antre de la jeune louve blanche. Eyota fixait le sol, ne trouvant pas le sommeil, son corps se mouvant encore et encore dans l'attente désespérée de rejoindre les bras de Morphée. Les faibles lueurs de l'astre céleste projetaient des éclats d'argent sur sa fourrure immaculée, faisant briller ses pupilles d'une étincelle étrange. Tapis, dans l'obscurité, elle ruminait dans sa tête les événements de la journée. Les chasseurs n'étaient pas parvenus à attraper quoi que ce soit aujourd'hui durant la chasse, ils avaient traquer pendant des heures et des heures la piste d'un chevreuil, mais le cervidé n'avait était aperçu nul part. La jeune Bêta se sentait faillir dans son devoir, fraîchement nominée à son Grade, elle se sentait encore à l'épreuve, et certains ne se gênaient pas pour le lui rappeler.  

Pourtant, aujourd'hui alors que la trace fraîche de la proie empestait la peur dans la vallée, Eyota et les chasseurs étaient rentrés bredouille au camp. Elle avait soutenu, honteuse, le regard de son Alpha. Elle savait au fond d'elle que ce n'était pas de sa faute, et que quelque chose hors de son entendement s'était produit vis à vis du cervidé, pour qu'il disparaisse ainsi et dans ce genre de conditions étrange, comme évaporé dans les airs, l'immense couche de neige qui couvrait le sol n'affichait subitement plus les traces de sabots, et l'odeur de la peur de l'animal, était encore plus forte à cet endroit. Elle avait suspectait les humains, pourtant lorsque les chasseurs apaches fendaient sur une proie, ils respectaient habituellement le territoire des loups, et surtout, là où les flèches s'abattaient, le sang proliférait, et il n'y en avait eu nul part.

Elle avait envoyé une patrouille en amont de la forêt, afin de chercher les indices manquant, mais ils étaient revenus quelques heures plus tard, épuisés et agacés par les foulés de kilomètres qu'ils avaient parcourus sans aucunes réponses. Elle ne pouvait pas non plus émettre la présence d'un grizzli sur leurs terres, ou encore la présence plus discrète du lion des montagnes. Leurs odeurs bien que particulière n'étaient pas méconnaissables pour les loups. Et de la même manière que pour les apaches, une traînée de rouge écarlate sang se tiendrait dans la neige blanche immaculée à l'endroit même où la bête aurait était abattu, et un affaissement dans la couche de glace aurait laissé prétendre que le corps du cervidé aurait était tiré jusqu'au lieu où le prédateur se serait repus de l'animal.

Or, il n'y avait rien de tous ces indices et Eyota se sentait de plus en plus frustrée de ne pas comprendre. Si il y avait de nouveaux prédateurs dans les environs, elle aurait aimée savoir qui et comment ils s'y prennent. Elle se décida à sortir de sa tanière pour prendre l'air, elle éluciderait ce mystère plus tard, peut-être que dans les méandres de l'obscurité de la nuit, quelques proies pointeraient le bout de leurs nez.

Alors que ses muscles s’échauffaient durant sa course effrénée dans la forêt endormie, les pattes de la jeune louve s'enfonçaient à peine dans la couche épaisse de la poudreuse blanche, son corps s'élevant avec grâce et souplesse, fendant la brise glaciale, sa fourrure épaisse dansait dans le vent et ses yeux brillaient dans l'obscurité. Masse blanche entre les troncs noirs, elle avait la chance d'avoir la couleur du sol, et semblait être comme un fantôme égaré dans la nuit. Le bruit puissant du hululement d'une chouette en chasse résonna dans la clairière, en alerte, Eyota ralentissait sa cadence, redoublant de prudence dans la nuit céleste, là où les rapaces de la nuit chassaient, des proies pullulaient très certainement. Elle avait prit l'habitude d'utiliser son esprit d'analyse pour étudier le comportement des autres animaux de la forêt, et elle s'en servait comme des pistes sur la destination de ses potentielles proies, leurs habitudes nocturnes, etc. Elle savait que la chouette se nourrissait de petites proies tel des mulots ou souris. Si ces petits animaux étaient plus prudents, cela n'était pas de même pour les animaux plus gros, dit lagomorphe tel que les lièvres ou les lapins, ou même les chiens de prairies qui vivaient près de la Combe Fleurie, qui ne se sentaient pas concernés par les attaques du rapaces aux yeux globuleux.

La jeune louve leva se truffe en l'air, guettant les effluves des petits mammifères. Elle en aperçut un en aval des collines, et se faufila discrètement entre les arbres de la forêt, lorsqu'elle arriva à hauteur de la combe où jadis resplendissait de jolies fleurs blanche et jaunes, elle se coucha au sol afin de s'habiller de la couche de neige, elle rampa lentement vers le petit mammifère. Lorsqu'elle se sentit assez proche de sa proie, elle se laissa propulser par ses pattes arrière puissante, les crocs à découvert et fendit sur sa proie tel un éclair immaculé poudré. La nuque de l'animal se brisa et elle fut ravie de constatait que c'était un chien de prairie égaré qui avait l'avantage d'être plus dodue que leurs cousins lièvres ou lapins. Ceux ci n'avait pas pour habitude de sortir de nuit, mais peut-être celui ci avait était distrait par quelque chose ? Satisfaite, elle le recouvra un peu de neige, et se remit en chasse, elle avait essayée de tuer sa proie toute en discrétion ainsi, elle n'avait pas fait fuir toute la forêt. Mais alors qu'elle se recroquevillait prudemment à nouveau sur le sol, le craquement d'une brindille résonna entre les arbres, et Eyota tourna brusquement la tête en direction de la forêt. Quelqu'un l'avait suivit ? Elle se redressa fièrement de toute sa hauteur et fixa un point entre les arbres, les oreilles aux aguets, et le museau retrousser, elle grogna.

" Qui est là ? Ose te montrer, pour m'avoir dérangé en pleine chasse. "

Elle resta cloîtrée sur la Combe Fleurie dans l'attente d'un de ses congénères, elle espérait que ce n'était pas un coyote égaré ou un grizzli affamé auquel cas, elle ne ferait pas le poids seule.

Alors que la jeune louve attendait que l'élément perturbateur se montrait, elle resta sur ses gardes, en alerte, prête à attaquer si il le faut, ou fuir si la situation n'était pas gérable pour la femelle blanche. Lorsque l'animal se montra, sortant des ténèbres de la nuit, Eyota ouvrit la gueule, surprise lorsque se fut le visage de son Alpha qui s'éclairait sous les rayons de la lune, elle rabattit ses oreilles sur son crâne, rouge pivoine sous sa fourrure blanche de neige et baissa ses yeux au sol lorsque celui ci lui indiqua que ce n'était certainement pas un ton à employer avec son meneur. Malgré tout, elle se détendit, s'attendant à découvrir un monstre sanguinaire & atypique sortant des bois, depuis l'incident du chevreuil, elle ne savait plus quoi penser des prédateurs de la vallée.

" - Oh, c'est toi, elle soupira, mi désolée, mi excédée, je pensais tomber nez à nez avec un ours ou un lion des montagnes. Elle esquissa un sourire malicieux, mais ce n'est personne d'autre que mon Alpha, aussi famélique que ses membres, je ne risque donc pas grand chose !"

Elle laissa échapper un petit rire sarcastique, tout le monde savait qu'Eyota n'avait pas de filtres lorsqu'il s'agissait de dire se qu'elle pensait tout haut, surtout qu'elle était peu intimidable, pas même par son meneur, bien qu'elle le respectait grandement, elle savait que sous l'intimité du clair de lune, elle pouvait se permettre quelques notes d'humour, sachant qu'elle n'avait pas tord concernant l'état de maigreur qui sévissait toute la meute et puis si il était en désaccord avec son interlocutrice, il lui ferait comprendre et Eyota s'excuserait aussitôt en inclinant une révérence. Elle observa son meneur pendant quelques secondes, laissant ses pupilles hétérochromes analysant la fourrure brun gris du grand mâle aux yeux d'or. Une lueur incandescente vibrait dans ses yeux pâles et elle soutint le regard du grand mâle. Il semblait tout aussi épuisé et préoccupé qu'elle, elle imagina que ça ne devait pas être facile pour lui d'être l'Alpha seul, d'une meute en famine, sans ne savoir que faire pour se mettre quelque chose sous les crocs. Elle poussa vers lui, le cadavre du chien de prairie, essayant de ranimer la flamme d'espoir dans le coeur de son meneur.

"- Toi non plus tu n'arrives pas à dormir ? Elle observa un moment le ciel étoilé, clair et illuminé, et admira la beauté du paysage sous ses yeux. J'ai chassée ça pour les nourrices et les sages, j’espérais trouver un lapin, ou deux également, mais avec le bruit qu'on fait, ils ont dû déguerpir. "

Elle se posa délicatement sur le sol, son corps blanc immaculée recouvrant le sol enneigé, se fondant parfaitement avec le décor de la combe autrefois fleuries, elle passa une langue sur son museau légèrement ensanglantée par sa chasse précédente, et son ventre se mit à gargouiller au contact du liquide chaud contre ses papilles gustatives. Déjà qu'elle n'était pas très costaude, de silhouette svelte et élancée, menue & mais assez haute sur pattes depuis la famine du Clan, elle devait être aussi légère qu'un louveteau. Heureusement que sa fourrure très épaisse lui donnait un peu de volume, sinon les autres membres de la meute douteraient de sa capacité à pouvoir diriger les chasseurs dans cette condition physique.

Alors que le mâle brun s'approchait de la jeune louve blanche, celui-ci la scanda d'un regard noir, lourd de sens, et Eyota du constater que ses notes d'humour et sa familiarisation avec son Alpha n'étaient pas la bienvenue, malgré tout, il ne releva pas et elle soupira rassurée, elle n'avait vraiment pas envie de partir dans un monologue d'excuses pour justifier son comportement, Eyota était Eyota, et elle n'était pas du genre à respecter les vieilles traditions et formules de politesse, elle le respectait déjà bien assez pour devoir se soumettre à chaque révérence, elle avait un aspect de la vie où elle estimait que - presque - chaque être était suffisamment ludiques pour se porter du respect sans avoir à se plier en quatre, enfin comme dit plus haut Eyota était ce qu'elle était, et malgré la réticence de bien des loups à son égard, elle restait cet électron libre et désinvolte qui faisait d'elle cet être intrépide et atypique.

Alors qu'elle poussait la proie en direction du loup famélique, elle espérait que dans son geste innocent, il n'y verrait pas un signe de faiblesse à se proposer à manger, et puis Eyota avait fait ça dans l'art de la ruse en sous entendant que c'était pour les sages et les nourrices, bien qu'elle n'en pensait pas moins sur l'état de son meneur. Celui-ci était maigre, des lambeaux de poils tombait misérablement sur son corps frêle mais malgré tout musclé, Eyota avait de la chance d'avoir une fourrure plus épaisse que la moyenne, on voyait à peine ses côtés saillante sous sa robe de neige.

- "Du menue fretin. Comme on dit. Malheureusement il ne pourra nourrir qu’un seul loup, et encore…"

Eyota soupira, mal à l'aise, si seulement elle était parvenue à débusquer plus de proies, elle aurait pu au moins caler la faim de certains membres, or, l'Alpha avait raison, un seul chien de prairie ne suffisait pas à tout le monde, et celui-ci reviendrait très certainement au plus faible des membres. Elle pestait intérieurement, elle aurait tant voulu attraper ce Cerf de Virginie, ce stupide cervidé s'était envolé comme par magie et la louve n'acceptait pas sa défaite.

"- J’aimerais bien savoir où son passé ces stupides Wapitis… Et ces Orignaux qui étaient censé traverser la zone..."

Eyota soutint le regard jaune doré de son Alpha, et celui-ci bifurqua ses yeux en direction de la ville, elle suivit son expression quelque peu lassée, et observa la ville où s'illuminait à peine quelques lumières, les humains dormaient toujours la nuit, ils n'avait pas la même activité nocturne que les loups. Elle poussa un petit grognement sourd et rauque.

"- Si seulement ils n'étaient jamais venus."

Sa voix filait dans l'air glaciale de l'hivers, elle savait que de ruminer ne servait à rien, et que le destin était ainsi fait, on ne pouvait pas changer les choses déjà faite, mais elle rêvait parfois d'une vie lointaine qu'elle n'avait presque jamais connue, sans hommes, les Sages racontaient souvent des histoires de leurs vies passées, sans eux, et Eyota, louveteau encore, rêvait de parcourir des plaines et des plaines désertes, sans risquer le fusil où l'assaut de chiens chasseurs.

"- Enfin bon, j'imagine qu'on ne peut pas revenir en arrière, à quoi bon se plaindre du passé, elle marqua une pause et observa son Alpha, un long moment en silence, elle était toujours mal à l'aise en sa présence, émanait de lui la force et l'autorité d'un meneur, Eyota était confuse face aux conventions, et elle se dandinait d'une patte à l'autre, elle osa sur un ton d'indifférence total, de toute façon la chair des hommes est de mauvais goût parait-il."

Une lueur de malice dansait dans ses yeux vairons, elle ne pouvait pas s'empêcher de lancer des piques d'humour, elle détestait les mauvaises ambiances, même si elle savait sa Meute être dans la pire des situations, famine & froid obligés, elle voulait détendre l'atmosphère, elle était comme ça, cette petite, têtue et effrontée.