Ashkara ne savait pas trop pourquoi elle avait eu envie de s'éloigner de sa meute en ce jour. Enfin, si, elle le savait : il lui tapait tous sur le système. Comme toujours en soit. Grognant, reniflant, râlant, comme elle le faisait si bien, la vieille avançait dans des craquements d'os sinistres, maudissant son âge et le temps favorable au rhumatisme. Tss. Quand bien même l'hiver était une leçon d'humilité pour les jeunes prétentieux, il n'était pas tendre avec les vieux... Vivement le retour des bon jours. En plus de cela, avec l'hiver, les proies étaient rares et Ashkara mangeait peu. Allez, avec un peu de chance, elle trouverait une carcasse de petit animal à se mettre sous les crocs.

Ses pattes continuaient de la porter, envers et contre tout, l'éloignant davantage de la tanière et même des terres des Adahys. Sans trop s'en rendre compte, elle transgressa la frontière avec les Nashobas. Bah quoi ? Pourquoi devrait-elle faire demi-tour ? De son temps à elle, il n'y avait qu'une meute et elle possédait tout. La vieille carne n'allait tout de même pas tourner les talons sous prétexte que quelques jeunots avaient fait un caprice. Plus à l'aise dans l'ombre qu'à découvert, l'ancêtre se dirigea vers le bosquet, la truffe au sol. Elle renifla plusieurs odeurs de loup, des Nouveau Nashoba à n'en pas douter, mais pas la moindre trace d'un quelconque rongeur à dévorer... Puis, brusquement, la louve se redressa et ses poils se hérissèrent.

Un bruit de tonnerre venait de se faire entendre, encore suffisamment éloigné. Pourtant le ciel était parfaitement dégagé... Il n'en fallut pas beaucoup plus à Ashkara pour comprendre ce qui se passait. Ce son, elle l'avait déjà entendu mainte et mainte fois. C'était un bâton qui crache le feu. Les bipèdes ! Elle grogna. Des bipèdes n'étaient pas loin.