Muscles tendus, prête à sauter et courir, Vixen attendait. Elle n'avait le droit qu'à un essai, si elle échouait c'était fini. Adieu sa possibilité de manger quelque chose pour la journée, elle se coucherait encore une fois avec la faim au ventre. Cela faisait deux jours qu'elle n'avait rien avalé de plus consistant qu'un reste de lapin abandonné par un autre prédateur. Elle avait vraiment les crocs.

Finalement, sa cible bougea. Le boucher venait de sortir de sa boutique pour fumer et discuter avec le barbier. C'était le moment parfait. Vixen avait longuement observé les agissements du boucher pour s'assurer de pouvoir faire une unique et efficace attaque. Elle savait bien qu'il lui serait impossible de refaire un coup pareil une deuxième fois alors il fallait être le plus précautionneux possible.

La porte de la boucherie était fermée mais aucun des deux humains ne regardait dans sa direction. Alors, à pas de loup, Vixen s'approcha. Elle se mit sur ses pattes arrière et réussit à ouvrir la porte en appuyant doucement sur la poignée. Elle n'était peut-être pas humaine mais elle savait ouvrir les portes !

La porte étant enfin ouverte, la chienne s'introduisit dans la boutique. L'odeur de viande fraiche qui embaumait l'air lui ouvrit l'appétit mais elle se retint de sauter sur la viande sans réfléchir. Il fallait être stratégique, elle devait bien choisir sa proie. Elle se détourna des morceaux trop gros à porter pour se concentrer sur les saucisses et poulets. Ça c'était intéressant et facilement transportable.

Ouvrant grand la gueule, Vixen réussit à attraper un poulet entier (qu'elle broya légèrement pour tenir plus facilement entre ses crocs) ainsi qu'une longueur de saucisse. Soudainement, la porte s'ouvrit. Le boucher venait de rentrer, tombant face à face avec un grand chien lui piquant sa marchandise. Aussitôt, la chienne des rues se mit à courir ventre à terre, bousculant le boucher sur le chemin.

Elle courut un bon moment, poursuivi par l'humain mais réussit enfin à le semer entre deux ruelles. Haletante, la chienne finit par s'arrêter et s'asseoir entre deux planches de bois pour reprendre son souffle. Elle déposa ses prises à côté d'elle le temps de respirer. Mais soudainement, elle s'immobilisa et grogna. Elle n'était pas seule.

En se retournant, elle vit deux chiens qui observaient son repas avec un peu trop d'intérêt à son goût. Se levant, elle gronda en les observant avec méfiance.

« Qu'est-ce que vous voulez ?
- Ton repas nous suffira, sinon attend toi à une bonne raclée avant qu'on te le prenne. »

Vixen analysa la situation avec prudence. Elle était peut-être plus grande mais ils étaient deux et semblaient savoir se battre et se défendre. Les combattre risquait d'être dangereux et elle ne voulait surtout pas être blessé ou avoir le moindre problème. Et les deux ne semblaient pas encore la reconnaitre, mais ils allaient rapidement comprendre sa réputation et sa place dans les rues.

Alors elle poussa un long hurlement. Son cri était peut-être très différent de celui d'un loup, voix trop grave et absolument pas faites pour cela, mais l'objectif était semblable. De leurs côtés, les deux chiens semblaient bien s'amuser de ce cri qui semblait pour eux un cri de détresse. Quelle erreur, ils allaient bientôt arrêter de rire.

« Alors, on pleure son repas disparu ? C'est la loi de la rue ma jolie, faut t'y faire.
- C'est toi qui vas vite pleurer petit, je connais aussi bien la loi des rues que toi. C'est pas à la Patronne que tu vas apprendre quelque chose sur les rues.
- La Patronne ?! C'est toi Vixen ?! »

Elle n'eut pas à répondre, la preuve de son statut venait d'apparaitre. Ce cri avait servi à avertir les chiens de sa bande et ses seconds étaient déjà installé, prêt à attaquer les deux. Ça leurs apprendra à attaquer n'importe qui sans savoir l'identité de leurs cibles.

« J'vous laisse vous occupez d'eux les gars. Les saucisses sont pour vous, partagez équitablement 'kay ?
- Ne t'inquiète pas Vixen, répondit Duke avec un petit sourire malsain. Nous prendrons grand soin d'eux. »

Ignorant le commentaire inquiétant du chien, elle rattrapa son poulet, laissant comme promis les saucisses derrières pour les récompenser de leurs aides, avant de partir d'un pas tranquille. Elle allait se trouver un coin tranquille pour manger son poulet en paix. La loi des rues était dure mais il y avait toujours moyen de profiter d'un bon repas, surtout quand il avait été aussi dur à obtenir.