Un nuage de poussière parcourait de son charme infernal les bois enneigés. L'imposante couche blanche se dressait face aux loups, laissant leurs traces à travers celle-ci, gardant à l'esprit d'être pour toujours liés à la nature. Mankato, de sa silhouette grisâtre, observait les siens avec prestance. Ces terres n'étaient pas les leurs, leur exil n'avait que trop duré, et la nourriture ici se faisait rare. L'hiver était à son comble, le soleil peinait à s'élancer dans le ciel, la foule d'oiseaux et leurs cris enchantés avaient cessé d'harmoniser les lieux. L’Alpha adoptait une posture droite et fière, son pelage arborait ses yeux remplis d’orgueil. Depuis la mort de son père, il faisait tout son possible pour tenir sa promesse et prendre soin de sa meute. Encore aujourd’hui il se souvint du dernier regard de son géniteur, de la souffrance qui émanait de son souffle, de son front au contact de son museau. Un être cher lui avait été enlevé par les Nashoba. Mankato respira un bon coup, levant la tête pour haleter dans l’air froid, dressant son garrot. Les bois restaient silencieux, le vent caressait les troncs, le ciel formait un parfait miroir avec la rivière gelée, et la neige aussi blanche que la pureté cachait de sa fragilité les proies des Adahy.

Cet hiver était plus que difficile pour la meute. Il fallait doubler les chasses pour espérer trouver plus de chairs à croquer. Mankato avait quitté sa tanière depuis quelques temps, il gambadait sur ses terres et veillait à ce que la meute fasse ce qu’elle avait à faire. Un travail bien fait était tout ce qu’il demandait. A ceux qui enfreignaient les règles le loup dévoilait ses crocs, grognant rauquement d’un air menaçant, prêt à montrer qui régnait et qui posséder le pouvoir. Ses capacités intellectuelles et physiques semblaient se lier à sa détermination quelque peu impulsive. Le pouvoir … Voilà un bien petit mot pour une si grande contenance, si faible aux mots et si puissant aux armes. Mankato avait suivi les traces de son père pour forger les siennes. Le trône ultime, la gloire, la fierté, la puissance, tout cela le loup en entendait parler depuis sa naissance. Son passé avait fait de lui ce qu’il est aujourd’hui, et déterminera ses actions de demain, bien plus cruelles parfois que sa soif de vengeance. L’Alpha marchait tranquillement. De ses corpulentes pattes il croisa la fraicheur du tapis blanc. Il se mit à parler aux loups de sa meute, vérifiant à ce qu’ils se portent bien. Il envoya l’un de ses bêtas mener une troupe de chasse, déclarant de sa voix grave :

« Emmène tes chasseurs avec toi, la meute manque de nourriture. Ramenez le plus de proies possibles, interdiction de vous voir rentrer les pattes vides. »

L’Alpha se montra strict, mais il le fallait, la tanière manquait de chairs alléchantes. Après tout, Mankato était un loup coriace et téméraire, voulant réussir par ses propres moyens. Leur refuge dans les bois n’était qu’éphémère, ce que qu’il désirait, c’était de reprendre sa place. Acquérir sa revanche face aux Nashoba et à Wyoming, gagner en puissance, honorer la mémoire de son père,  cette vision de ses objectifs le rendait fort, le plus fort de tous très sûrement. Qui pourrait surpasser Mankato ? Son égocentrisme peut-être.

Le loup s’assit un peu plus loin dans la neige, levant la tête au ciel. Des flocons de perle dansaient dans les airs, se posant délicatement au sol. La suite de l’histoire n’allait être qu’une danse plus cruelle, le blanc devenant ainsi le rouge d’une destinée sanglante.